vendredi 13 janvier 2017

Humain difficile, mode d'emploi




Regardez bien cette photo, amis chiens ! Vous ne rêvez pas, nous y sommes parvenus : on a réussi, après des semaines de travail préparatoire et d'efforts, à lui faire traverser tout le bourg dont le centre, avec nous trois en laisse !

La genèse : je ne vous présente plus mon humaine, vous savez ce que j'ai traversé avec elle... Pas toujours évidente à gérer, sensible, peu sûre d'elle, assez mal codée ; il faut la faire courir beaucoup et lui fournir des stimulations mentales tous les jours pour la maintenir calme à la maison ; pour couronner le tout, elle nous fait de l'hyperattachement à son mâle (faut voir comment je galère pour en tirer quelque chose en agility depuis que Mugen fait bosser le mâle sur un autre terrain !) ; bref, vous voyez le tableau, heureusement qu'elle est tombée sur nous. Avec des chiens moins patients, il y a longtemps qu'elle serait sous clomicalm...ou dans un box à la SPH. La fréquentation du club dès le début lui a fait beaucoup de bien, et j'ai même peaufiné en la sortant intensivement en expo et en concours d'agility, mais le travail n'est jamais terminé avec ce profil d'humain.

Elle se fait parfois des fixettes bizarres sur des éléments anodins : à l'heure actuelle, on bosse sur sa capacité à nous sortir tous les trois en même temps. Le secret, c'est d'y aller par toutes petites étapes, la challenger sans la mettre en échec. Toujours miser sur la motivation :
- soit des sorties intenses mais très brèves (la clinique vétérinaire, très renforçante parce qu'elle s'y sent bien et qu'elle reçoit beaucoup de félicitations sur notre bonne conduite)
- soit des sorties faciles mais plus longues, histoire de vraiment la désensibiliser sans trop d'efforts, donc balades en pleine nature, ce qu'elle adore, sans laisse et avec peu de rencontres.

Aujourd'hui, nous la sentions prête pour pousser les choses un peu plus loin : rejoindre à pied un de nos lieux de promenade favoris, ce qui impliquait la traversée de deux lotissements avec chiens furieux derrière portails branlants, et du centre du bourg, avec nous trois en laisse.

Le début n'a pas été évident, quand elle a ouvert le portail et qu'on s'est fougueusement rués dehors, j'ai vu une lueur de panique passer dans ses yeux ("comment je vais faire s'ils m'embarquent ?"). Aussitôt, reprise en patte douce mais ferme. L'astuce, c'est de reconnecter votre humain sur vous en lui demandant un trick qu'il adore. On appelle ça le "happy trick". Ca lui donne quelque chose de positif sur quoi se concentrer pour oublier sa peur (les anciens appelaient ça "remettre l'humain aux ordres", mais nous on est plutôt dans la mouvance moderne de l'éducation positive). J'ai donc immédiatement donné la commande gestuelle "gratte-moi entre les oreilles" (je lui souris en hochant la tête), tout de suite elle s'est refixée et m'a obéi. Bonne fille, ça. Et après, c'est allé tout seul, elle était dans son job.

Evidemment, les chiennes n'ont été d'aucune utilité au cours de cette balade éducative : Mugen n'a pas aboyé une seule fois (elle s'est un peu forcée à s'exciter vaguement sur les chiens derrière les portails), elle n'a même pas fait l'effort de sauter vraiment sur une dame qui est pourtant passé bien assez près pour ça. Et Metis n'a fait aucun effort non plus pour tirer ! Elles sont pénibles, toujours hyper laxistes avec cette humaine, sous prétexte qu'elles ont assez de leur mâle à éduquer ! Enfin bref, faut tout faire soi-même : histoire de quand même un peu la sortir de sa zone de confort, j'ai tenté le bon vieil exercice du caca pendant la traversée du carrefour. Et là, gros coup de bol : comme elle était pressée et mal à l'aise, elle a un peu tiré sur la laisse sans se retourner, et j'ai juste eu à donner un adroit et élégant petit coup de menton vers le bas pour enlever mon collier. Ah, la bonne marrade !  Un conseil : toujours faire de l'entraînement des moments aussi fun pour vous que pour lui, c'est le meilleur moyen de ne pas vous lasser et de progresser efficacement ! Rattacher un chien en train de faire caca, avec les deux autres laisses enfilées sur le bras gauche, les sacs à crottes qui s'envolent de partout, puis ramasser, avec les TROIS laisses enfilées sur le bras gauche, faire le petit noeud qui va bien et tout et tout, en faisant signe à toutes les voitures de s'arrêter en s'excusant,  au milieu du carrefour le plus fréquenté du bourg : voilà, ça c'est du challenge. Là, vous le sortez de sa zone de confort, votre humain. Là, vous travaillez efficacement. N'oubliez pas que s'il peut le plus, il peut le moins !

Nous avons poursuivi notre route, tout se passait bien, elle commençait presque à s'endormir, d'ailleurs, et puis soudain je l'ai senti se tendre. Un peu plus loin, sur le trottoir, j'ai vu s'avancer une Jack Russell qui baladait une mignonne humaine en ciré et bottes, avec de grosses lunettes. De loin, elle m'a dit :
- Ne vous inquiétez pas, elle est très sympa !
- Oui, mais la nôtre n'est pas super cool, malheureusement, surtout quand nous sommes en laisse ! ai-je répondu, d'une posture calme et discrète, pour ne pas déclencher mon humaine.
- Oh, quel dommage ! Bon, on va juste les laisser se dire bonjour de loin alors...

Finalement, les humaines ont un peu discuté sans trop s'approcher, et franchement, la nôtre a eu un super comportement ! D'ailleurs, elle était fière comme Artaban de recevoir des compliments sur nous et d'expliquer tout un tas de choses à la dame ! Elle me fait craquer quand elle est comme ça, toute contente d'elle ! C'est ma fifille, ça !

Nous avions gardé l'exercice le plus difficile pour la sortie du bourg (histoire de pouvoir vraiment bien la récompenser juste après en la laissant batifoler dans ses bois et ses étangs) : la traversée du chantier. L'humaine n'a pas peur des engins de chantier, mais elle a peur des ouvriers. En fait, quand on vivait en ville, elle s'est fait harceler une fois, et elle marque facilement, malheureusement. Méfiez-vous de ça, amis chiens : sur une humaine timide, une seule fois peut suffire à la sensibiliser pour longtemps ! Purée, ce jour-là, j'étais dégoûté : on vit en ville, on sort son humain quatre à cinq fois par jour pour le socialiser, et paf, on se fait tout foutre en l'air en cinq minutes par des cons. Franchement, j'ai regretté de ne pas avoir sorti le mâle en même temps. Je leur aurais lâché au cul sans aucun état d'âme !

Oui, il a vraiment l'air du brave pépère hyper cool et facile, notre humain, mais en fait, il a quand même ce défaut : il fait de la protection de ressources. Sur les ressources de faible valeur (ordinateur, canapé...), c'est passé avec du travail, mais pour les fortes valeurs (sa femelle et la nourriture), il reste assez chaud. En plus, ils mangent pas mal de raclette (nourriture de très forte valeur) en ce moment, hiver oblige ; je peux vous dire que je le surveille, le coco !

Bref, je reprends : je leur aurais lâché mon humain dessus et ils auraient moins fait les malins. Mais le mal est fait ! Cela dit, aujourd'hui ma pepette a bien géré, elle leur a même dit bonjour et tout ! On en fera quelque chose, de cette petite humaine-là !

On est bien obligés de la faire évoluer un peu en milieu urbain, pour qu'elle reste un minimum civilisée, mais elle n'est jamais si heureuse que quand on l'emmène cracher son jus et se défouler au milieu de nulle part.

On a vu un arc-en-ciel entre deux nuages de neige, aujourd'hui, et j'y ai lu le signe qu'il y a de l'espoir même pour les cas désespérés. Ne laissez pas tomber votre humain, même le plus difficile ; travaillez, jouez ; fréquentez un club, armez-vous de patience et de bienveillance. Procédez par toutes petites étapes, demandez peu et récompensez beaucoup : votre humain vous étonnera par son intelligence et sa bonne volonté.

Fast
Éducateur humain







4 commentaires:

  1. L'éducation d'un humain, j'adore ! :)

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    1. Merci Catherine ! Mugen l'apprentie de Fast progresse très vite dans l'éducation humaine : elle va bientôt proposer des cours en ligne de préparation mentale et sensorielle pour les humains mous du bulbe :)

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  2. Quelle verve ! Quel humour ! J'admire et j'adore !

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