mercredi 25 janvier 2017

Du bon usage des jouets pour humains


L'appareil photo : un jouet d'apaisement très répandu. A n'autoriser à votre humain qu'une fois le travail terminé, pour un moment de retour au calme avant de reprendre le volant.


Aujourd'hui, amis chiens, j'aimerais vous parler d'un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d'encre : les jouets pour humains. Sont-ils utiles, nécessaires, indispensables...néfastes ? Comment les utiliser à bon escient ? Petit tour d'horizon.

D'abord, quelques explications techniques qui vous permettront de comprendre pourquoi, à mon sens, les jouets sont indispensables aux humains. Anatomiquement, les êtres humains ne sont pas du tout construits comme nous. Leurs mâchoires sont dramatiquement atrophiées, ils n'ont pour ainsi dire pas de bouche ; un orifice mou situé dans le bas de la face leur en tient lieu, et leur permet tout au plus d'aspirer leur nourriture, de gazouiller et de se livrer à du grooming social (les insupportables et dégoûtants "bisous", une manie sacrément difficile à leur ôter, d'ailleurs).

Alors, me direz-vous, comment les humains peuvent-ils découvrir et explorer le monde qui les entoure, transporter des objets, jouer, sans gueule ? Eh bien, ils font tout ça avec leurs mains, situées au bout de leurs fragiles et flexibles membres supérieurs. Observez par exemple comme ils s'en servent ingénieusement pour parvenir à tugger, malgré leur cruelle absence d'atouts pour ce jeu. De même, vous les verrez systématiquement manipuler habilement leur nourriture avant de l'ingérer, palliant la mollesse de leurs mâchoires. Ils sont programmés dès la naissance pour se servir de leurs mains. Les en empêcher me semble non seulement cruel, mais surtout voué à l'échec ! Vous n'empêcheriez pas un chien de se servir de sa gueule, tout de même ? Eh bien c'est la même chose.

Et puis, avouons que cette disposition naturelle nous arrange, bien souvent : essayez donc de rajouter de l'huile à une gamelle, de masser la base des oreilles ou de lancer un frisbee sans mains. Bon. Vous voyez que l'idée, c'est surtout de canaliser cet atavisme pour l'employer à notre avantage !

Quelques précautions d'emploi s'imposent, toutefois.

Jouets d'excitation et protection de ressource

La manipulation de jouets a naturellement une action apaisante dans la majorité des cas. Cependant, j'attire votre attention sur les jouets d'excitation : manettes, claviers, volants de jeu vidéo ou de voitures. Ils suscitent très vite de fortes addictions, avec à la clé des désagréments allant du défaut d'obéissance (vous avez tous expérimenté la fameuse "cécité sélective" de l'humain rivé à son écran, qui fait mine de ne pas avoir repéré vos signaux !) à la très ennuyeuse protection de ressources. Quand votre humain commence à s'approprier les sièges et canapés et à les surinvestir comme terrains de jeu, il est presque déjà trop tard.

Dans la même veine, méfiance avec les voitures. Ce type de jouet d'excitation, très utile par ailleurs pour vous emmener dans des lieux de balade palpitants ou au club canin, provoque fréquemment des bagarres entre humains, y compris de la même famille et cohabitant parfaitement en temps normal. Ainsi (et malgré la mise à disposition d'une voiture à chacun !), je me vois souvent obligé d'intervenir dans des conflits autour des voitures, alors que nos humains de compagnie sont de grands amis qui s'adorent, au point de partager le même lit, de manger en se regardant dans les yeux, et de s'échanger les autres jouets d'excitation sans problème ! Mais, les voitures...pour mon pépère, c'est encore compliqué à partager ! Je ne désespère pas de faire de mon grand garçon un humain civilisé un jour ;)

Jouets d'apaisement et lenteurs dans l'exécution des commandes

J'en parlais brièvement au paragraphe précédent : le problème de l'humain qui, soudainement, ne vous voit plus et ne vous entend plus dès qu'il a son gadget dans les mains. Là, il y a plusieurs écoles : certains se montrent sans pitié (et emploient des méthodes un peu datées, permettez-moi de le dire). Une tête posée sur les genoux, ou une patte sur le bras, non obéies rapidement, se voient sanctionnées par un chat machouillé/un coussin sur la pelouse/une poubelle dépiautée. Pour ma part, j'opte pour la méthode douce, et je prends mes humains par les sentiments : haleter, tourner en rond d'un air perdu, faire les cent pas...tout cela suffit amplement à obtenir leur attention pleine et entière. N'oubliez pas : leur vie entière tourne autour de vous, ils vous adorent, n'hésitez pas à en jouer. Montrez-leur votre inconfort, ils ne demanderont qu'à coopérer.

Autre cas de figure, auquel j'ai été beaucoup confronté avec mon humaine (le mâle, lui, aucun souci avec ça) : la dépendance aux jouets d'apaisement. Il est l'heure de la promenade, vous virez et voltez avec exubérance devant la porte depuis de longues minutes, mais votre humain est occupé à manipuler ses jouets, et fait mine d'ignorer vos commandes répétées. Tous les propriétaires d'humains sensibles, timides, anxieux, ont connu ça. Les préparatifs qui traînent. Voici un exemple d'équipement nécessaire à certains humains pour se sentir capable de vous promener une heure, de jour, sur terrain plat, et peu fréquenté :
- six longes et laisses de longueurs variées
- une balle en caoutchouc, une balle de tennis, un boudin, un tug en polaire, un tug en mouton retourné
- une ceinture munie de cinq poches à friandises contenant chacune un type de friandises différent
- un harnais d'éducation, un harnais de traction, un harnais de randonnée, un harnais de trapèze acrobatique
- trois clickers (actionnables à la main, au pied, à la langue)
- une lampe frontale + une lampe torche
- une carte IGN
- un appareil photo
- les basiques de votre garde-robe : juste une chabraque, un imper, une doudoune, des bottillons en cuir pleine fleur dessinés et assemblés à vos mensurations par le bourrellier du Puy du Fou
- une gamelle pliante "gain de place" (et un bidon d'eau de 5 L pour pouvoir la remplir)


Avant toute chose : ne vous énervez pas. Voyez les choses de son point de vue d'humain. Ces jouets lui procurent apaisement et réassurance. Votre humain en a besoin, pour le moment, acceptez-le. Toute méthode coercitive visant à le priver de ses jouets pour les sorties est à bannir ! On ne brime pas un humain inquiet ou apeuré. Je réprouve fortement l'"astuce" consistant à simuler un besoin pressant pour l'obliger à vous sortir en catastrophe, en laissant derrière lui son paquetage :  c'est de la maltraitance !

Mais vous allez travailler à le faire progresser, ne vous en faites pas ! Personnellement, j'emploie deux techniques qui ont fait leurs preuves.

La première : faire appel à son intelligence en lui prouvant qu'il n'a pas opté pour la bonne stratégie. Les humains comprennent très vite. Quand il aura dû piquer un sprint sur 100 mètres pour vous empêcher de : vous rouler dans une bouse/vous chamailler avec le chien tout là-bas qu'on ne voyait pas parce qu'il y avait un arbre/sauter tout dégoûtant sur des CE2 en classe verte qui trouvent ça bien drôle ; quand il aura dû plonger dans un canal ou un trou d'eau moisie pour vous repêcher ; le tout avec 45 kg d'accessoires "indispensables" sur le dos, il commencera à considérer ses jouets comme un lest variablement utile, et réfléchira à deux fois avant de récidiver. Croyez-en mon expérience.

Deuxième technique, que j'affectionne particulièrement : mettez-le à la course. Je sais, c'est hyper controversé dans le milieu des sports humains. Suivre un chien qui court, pour un humain bipède avec pas de muscles et un centre de gravité très élevé, c'est extrême, je suis d'accord. Cela dit, ils adorent ça, ça leur fait sécréter des endorphines, du coup ils deviennent euphoriques et en oublient tout le reste. Ma petite femelle est le modèle de l'humain inquiet, qui trimballe des tonnes de jouets partout. Eh bien, devinez quoi ? quand on sort courir, elle emmène deux laisses pour trois chiens ("parce qu'il y a deux mousquetons sur la laisse trois points, alors ça va") et même pas d'eau ("zauront qu'à casser la glace pour boire"). Incroyable.

Jouets de musculation : si vous avez la chance qu'il s'y intéresse, ne passez pas à côté

Autre avantage que je vois à leur faire pratiquer la course à pieds : le monde merveilleux des jouets de musculation s'ouvre à vous. De formes et de matières variées, très ludiques et stimulants, ils occuperont votre humain tranquillement à la maison. Point positif majeur de ces jouets : ils sont très peu addictifs pour la majorité des humains, et ne présentent donc pas les risques d'appropriation liés aux jouets d'excitation. Ma femelle en est dingue et en enterre toute une collection dans le placard de l'entrée. Elle en laisse régulièrement traîner, elle parade presque quotidiennement avec sous le nez de son mâle : eh bien, croyez-le ou pas, jamais notre humain (pourtant extrêmement joueur) n'a fait mine de s'y intéresser !

Vous l'aurez compris : en toutes choses de la modération. Ils ont besoin de jouets, nos humains chéris, d'accord. Mais pas n'importe quand, ni n'importe comment. Amusez-vous bien avec vos humains et leurs jouets !


Fast, éducateur humain







vendredi 13 janvier 2017

Humain difficile, mode d'emploi




Regardez bien cette photo, amis chiens ! Vous ne rêvez pas, nous y sommes parvenus : on a réussi, après des semaines de travail préparatoire et d'efforts, à lui faire traverser tout le bourg dont le centre, avec nous trois en laisse !

La genèse : je ne vous présente plus mon humaine, vous savez ce que j'ai traversé avec elle... Pas toujours évidente à gérer, sensible, peu sûre d'elle, assez mal codée ; il faut la faire courir beaucoup et lui fournir des stimulations mentales tous les jours pour la maintenir calme à la maison ; pour couronner le tout, elle nous fait de l'hyperattachement à son mâle (faut voir comment je galère pour en tirer quelque chose en agility depuis que Mugen fait bosser le mâle sur un autre terrain !) ; bref, vous voyez le tableau, heureusement qu'elle est tombée sur nous. Avec des chiens moins patients, il y a longtemps qu'elle serait sous clomicalm...ou dans un box à la SPH. La fréquentation du club dès le début lui a fait beaucoup de bien, et j'ai même peaufiné en la sortant intensivement en expo et en concours d'agility, mais le travail n'est jamais terminé avec ce profil d'humain.

Elle se fait parfois des fixettes bizarres sur des éléments anodins : à l'heure actuelle, on bosse sur sa capacité à nous sortir tous les trois en même temps. Le secret, c'est d'y aller par toutes petites étapes, la challenger sans la mettre en échec. Toujours miser sur la motivation :
- soit des sorties intenses mais très brèves (la clinique vétérinaire, très renforçante parce qu'elle s'y sent bien et qu'elle reçoit beaucoup de félicitations sur notre bonne conduite)
- soit des sorties faciles mais plus longues, histoire de vraiment la désensibiliser sans trop d'efforts, donc balades en pleine nature, ce qu'elle adore, sans laisse et avec peu de rencontres.

Aujourd'hui, nous la sentions prête pour pousser les choses un peu plus loin : rejoindre à pied un de nos lieux de promenade favoris, ce qui impliquait la traversée de deux lotissements avec chiens furieux derrière portails branlants, et du centre du bourg, avec nous trois en laisse.

Le début n'a pas été évident, quand elle a ouvert le portail et qu'on s'est fougueusement rués dehors, j'ai vu une lueur de panique passer dans ses yeux ("comment je vais faire s'ils m'embarquent ?"). Aussitôt, reprise en patte douce mais ferme. L'astuce, c'est de reconnecter votre humain sur vous en lui demandant un trick qu'il adore. On appelle ça le "happy trick". Ca lui donne quelque chose de positif sur quoi se concentrer pour oublier sa peur (les anciens appelaient ça "remettre l'humain aux ordres", mais nous on est plutôt dans la mouvance moderne de l'éducation positive). J'ai donc immédiatement donné la commande gestuelle "gratte-moi entre les oreilles" (je lui souris en hochant la tête), tout de suite elle s'est refixée et m'a obéi. Bonne fille, ça. Et après, c'est allé tout seul, elle était dans son job.

Evidemment, les chiennes n'ont été d'aucune utilité au cours de cette balade éducative : Mugen n'a pas aboyé une seule fois (elle s'est un peu forcée à s'exciter vaguement sur les chiens derrière les portails), elle n'a même pas fait l'effort de sauter vraiment sur une dame qui est pourtant passé bien assez près pour ça. Et Metis n'a fait aucun effort non plus pour tirer ! Elles sont pénibles, toujours hyper laxistes avec cette humaine, sous prétexte qu'elles ont assez de leur mâle à éduquer ! Enfin bref, faut tout faire soi-même : histoire de quand même un peu la sortir de sa zone de confort, j'ai tenté le bon vieil exercice du caca pendant la traversée du carrefour. Et là, gros coup de bol : comme elle était pressée et mal à l'aise, elle a un peu tiré sur la laisse sans se retourner, et j'ai juste eu à donner un adroit et élégant petit coup de menton vers le bas pour enlever mon collier. Ah, la bonne marrade !  Un conseil : toujours faire de l'entraînement des moments aussi fun pour vous que pour lui, c'est le meilleur moyen de ne pas vous lasser et de progresser efficacement ! Rattacher un chien en train de faire caca, avec les deux autres laisses enfilées sur le bras gauche, les sacs à crottes qui s'envolent de partout, puis ramasser, avec les TROIS laisses enfilées sur le bras gauche, faire le petit noeud qui va bien et tout et tout, en faisant signe à toutes les voitures de s'arrêter en s'excusant,  au milieu du carrefour le plus fréquenté du bourg : voilà, ça c'est du challenge. Là, vous le sortez de sa zone de confort, votre humain. Là, vous travaillez efficacement. N'oubliez pas que s'il peut le plus, il peut le moins !

Nous avons poursuivi notre route, tout se passait bien, elle commençait presque à s'endormir, d'ailleurs, et puis soudain je l'ai senti se tendre. Un peu plus loin, sur le trottoir, j'ai vu s'avancer une Jack Russell qui baladait une mignonne humaine en ciré et bottes, avec de grosses lunettes. De loin, elle m'a dit :
- Ne vous inquiétez pas, elle est très sympa !
- Oui, mais la nôtre n'est pas super cool, malheureusement, surtout quand nous sommes en laisse ! ai-je répondu, d'une posture calme et discrète, pour ne pas déclencher mon humaine.
- Oh, quel dommage ! Bon, on va juste les laisser se dire bonjour de loin alors...

Finalement, les humaines ont un peu discuté sans trop s'approcher, et franchement, la nôtre a eu un super comportement ! D'ailleurs, elle était fière comme Artaban de recevoir des compliments sur nous et d'expliquer tout un tas de choses à la dame ! Elle me fait craquer quand elle est comme ça, toute contente d'elle ! C'est ma fifille, ça !

Nous avions gardé l'exercice le plus difficile pour la sortie du bourg (histoire de pouvoir vraiment bien la récompenser juste après en la laissant batifoler dans ses bois et ses étangs) : la traversée du chantier. L'humaine n'a pas peur des engins de chantier, mais elle a peur des ouvriers. En fait, quand on vivait en ville, elle s'est fait harceler une fois, et elle marque facilement, malheureusement. Méfiez-vous de ça, amis chiens : sur une humaine timide, une seule fois peut suffire à la sensibiliser pour longtemps ! Purée, ce jour-là, j'étais dégoûté : on vit en ville, on sort son humain quatre à cinq fois par jour pour le socialiser, et paf, on se fait tout foutre en l'air en cinq minutes par des cons. Franchement, j'ai regretté de ne pas avoir sorti le mâle en même temps. Je leur aurais lâché au cul sans aucun état d'âme !

Oui, il a vraiment l'air du brave pépère hyper cool et facile, notre humain, mais en fait, il a quand même ce défaut : il fait de la protection de ressources. Sur les ressources de faible valeur (ordinateur, canapé...), c'est passé avec du travail, mais pour les fortes valeurs (sa femelle et la nourriture), il reste assez chaud. En plus, ils mangent pas mal de raclette (nourriture de très forte valeur) en ce moment, hiver oblige ; je peux vous dire que je le surveille, le coco !

Bref, je reprends : je leur aurais lâché mon humain dessus et ils auraient moins fait les malins. Mais le mal est fait ! Cela dit, aujourd'hui ma pepette a bien géré, elle leur a même dit bonjour et tout ! On en fera quelque chose, de cette petite humaine-là !

On est bien obligés de la faire évoluer un peu en milieu urbain, pour qu'elle reste un minimum civilisée, mais elle n'est jamais si heureuse que quand on l'emmène cracher son jus et se défouler au milieu de nulle part.

On a vu un arc-en-ciel entre deux nuages de neige, aujourd'hui, et j'y ai lu le signe qu'il y a de l'espoir même pour les cas désespérés. Ne laissez pas tomber votre humain, même le plus difficile ; travaillez, jouez ; fréquentez un club, armez-vous de patience et de bienveillance. Procédez par toutes petites étapes, demandez peu et récompensez beaucoup : votre humain vous étonnera par son intelligence et sa bonne volonté.

Fast
Éducateur humain